mercredi 8 janvier 2014

Eauze, capitale de la Novempopulanie


Hormis les bienheureux qui vivent en Gascogne, qui a déjà entendu parler d'Eauze, au moins un peu mieux que vaguement ?

Aujourd'hui, cette petite ville gersoise de 4000 âmes vit une existence paisible et anonyme (tout en s'enorgueillissant malgré tout du titre auto-proclamé de capitale de l'Armagnac).
Mais par le passé, il y a près de deux millénaires, Eauze fut ni plus ni moins que la capitale d'une immense province gallo-romaine qui allait devenir plus tard la Gascogne : la Novempopulanie.



Comme son nom l'illustre assez bien, la Novempopulanie fut à sa création une Province Gallo Romaine rassemblant neuf peuples distincts (qui s'étendront à douze un siècle plus tard), tous situés au Sud de la Garonne.
Cette création se déroula dans le cadre d'un redécoupage administratif des Provinces Impériales de Gaule qui survint à la fin du 3ème siècle. Rome souhaitait revenir à l'Aquitaine de Jules César, une Aquitaine que le géographe grec Strabon décrivait alors de la manière suivante : "Les Aquitains diffèrent des peuples d'origine gauloise (...) par la langue qu'ils parlent, et ils ressemblent bien davantage aux ibères. Ils ont pour limite le cours de la Garonne et occupent le territoire situé entre ce fleuve et les monts Pyrénées". 

On voit se définir les contours de la future Gascogne linguistique.
Car depuis que l'Aquitaine fut définie par César comme étant la partie du territoire gaulois coincée entre la Garonne, l'océan et les Pyrénées, celle-ci n'avait ensuite cessé de s'étendre pour remonter jusqu'à la Loire et devenir une Province Impériale.

Alors, en cette fin du 3ème siècle, cette vaste province fut découpée en trois Provinces distinctes.
C'est ce qui explique pourquoi la Novempopulanie portera aussi le doux nom d'Aquitaine IIIème (ou d'Aquitania Novempopulana).

Ce découpage permit surtout de remettre en place une cohérence linguistique et culturelle  en rendant une identité à ces neufs peuples qui avaient leurs propres dialectes et ne parlaient ni le gaulois, ni le celte.


On constate que la Novempopulanie reprend quasiment le contour de l'Aquitaine de Jules Cesar

Alors que Bordeaux était la capitale de la Province Impériale d'Aquitaine, il fallut attribuer une Métropole (nom romain des capitales administratives) à chacune des trois nouvelles Provinces.  Bourges deviendra la capitale de l'Aquitaine Ière, Bordeaux deviendra naturellement celle de l'Aquitaine II ème, et la charge de gérer administrativement la Novempopulanie fut confiée par Rome à Elusa, la cité principale du peuple des Elusates. Eauze deviendra ainsi d'une certaine manière la première capitale de la Gascogne linguistique d'aujourd'hui.

Pourquoi Eauze en particulier ? Aucun écrit à ce sujet n'a traversé l'histoire pour pouvoir apporter une réponse claire. On doit juste se contenter de supputer. Les Taberlli, par exemple, qui contrôlaient le plus vaste territoire (certes marécageux) de la Novempopulanie, et dont la principale cité (Dax) avait nettement bénéficié de l'attrait des romains pour ses eaux-chaudes, ont sans doute pâti de leur position trop excentrée. On peut également penser que dans un Empire Romain qui commençait à être harcelé à certaines de ses frontières, une position à la fois centrale et relativement proche de la Garonne a pu jouer.

Et puis, Eauze était une cité déjà florissante qui était dans son apogée. Le trésor constitué de 28.000 pièces de monnaie, principalement en argent, et de nombreux bijoux en or qui fut enfoui en 261 et découvert en 1985 semble en attester.

Eauze restera une grande cité pendant quelques siècles avant d'amorcer un déclin qui ne cessera de se poursuivre, principalement au bénéfice d'Auch.
Au 8ème siècle, elle devra abandonner son statut de Métropole avant de tomber dans un certain anonymat pour devenir une simple ville fortifiée au cours du Moyen âge..



Aujourd'hui, Eauze compte 4.000 habitants, soit autant qu'à la Révolution Française, ce qui traduit une certaine apathie dans son développement.

La ville a gardé un centre historique plutôt authentique, et ici où là, on peut y trouver quelques références aux cultures ibériques, jusque sur ses façades.
La ville d'Eauze fait d'ailleurs partie de la demi-douzaine de villes du Gers à appartenir à l'Union des Villes Taurines de France dont je reparlerai sans doute dans un article ultérieur.


Ses arènes "Nimeño II" peuvent donc accueillir des corridas, mais elles proposent surtout des Novilladas et quelques courses landaises.
Construites en 1982 sur un modèle andalou riche en briques rouges, elles ont une capacité de 3.600 places, soit quasiment autant que la population de la ville.

Néanmoins, c'est sur un sol tauromachique vierge qu'elles se sont édifiées, et à ma connaissance, on ne peut pas parler d'une tradition tauromachique ancestrale malgré le riche passé historique de la ville.

En revanche, concernant la production de l'Armagnac, aucun doute n'est possible. Eauze en deviendra un des principaux centres de production dès le Moyen-Âge, pour le rester jusqu'à aujourd'hui.





3 commentaires:

  1. Superbe et intéressante rétrospective historique de cette jolie cité. Julien Lescarret y a connu des heures de gloire avec un indulto mémorable. Et son musée où l'on peut admirer le trésor vaut la visite, juste après, ou juste avant c'est plus prudent, un bon déjeuner bien arrosé de madiran et clôturé d'un bon vieil Armagnac ! Bravo Olivier !

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    1. bonjour, si cela vous intéresse, j'ai un vieil armagnac ( scellé ) d' EAUZE de 1973 ......intitulé Vieil Armagnac domaine de fuglaron....G&R . DUFFAU...en 70 CL

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  2. Merci Guy, ce commentaire me fait très plaisir.
    Je n'ai jamais vu Julien à l'oeuvre de visu, ni encore visité le musée du trésor d'Eauze, mais concernant le Madiran et l'Armagnac, quelques bouteilles comptent tranquillement les jours à la maison ;)

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